Pour de nombreux professionnels, la quête de sens au travail est devenue un sujet majeur. Réaliser un travail en phase avec ses valeurs personnelles est d’ailleurs la première raison invoquée dans le cadre d’une reconversion professionnelle.

Mais comment définir le sens au travail ? Quel poids la pandémie de Covid-19 a eu sur cette prise de conscience ? Et si, comme nous le suggèrent certains, nous reconsidérions la place du travail dans nos vies ? Quel serait l’impact sur cette « quête de sens » ?

 

Grande Démission et grandes ambitions ?

La crise de la Covid-19 : un accélérateur

En 2022, le taux de démission a atteint en France un niveau historiquement haut, avec plus de 520 000 démissions pour le premier trimestre. Ce constat n’est pas limité à la France. Plus de 47 millions de travailleurs avaient ainsi volontairement quitté leur emploi aux États-Unis en 2021. Un record. Ce phénomène, appelé « Big Quit » ou « Grande Démission » ne concerne pas uniquement les travailleurs peu qualifiés, mais aussi les cadres.

Le taux de démission est un indicateur cyclique : pendant les périodes de crise, telle que celle que nous avons traversée avec la pandémie de Covid-19, le taux de démission est bas. Il augmente pendant les périodes d’expansion économique, riches en opportunités professionnelles.

Cela étant, pour Pascal Ughetto, sociologue spécialiste de l’organisation du travail, ce phénomène est antérieur à la crise sanitaire. Une enquête menée par l’Observatoire des trajectoires professionnelles de 2018, donc pré-covid, va dans ce sens. Selon ce rapport, 1 actif sur 3 a connu une transition professionnelle en 2018, contre 1 sur 4 auparavant. Pour les 18-26 ans, ce taux passe même à 80 %, contre moins de 50 % avant. La facilité de changement d’emploi liée au développement du numérique a sans doute joué un rôle important dans cette accélération.

Ainsi, selon Pôle Emploi, un jeune actif sur le marché du travail changera en moyenne 13 à 15 fois d’emploi au cours de sa vie. Cela correspond à un changement de poste en moyenne tous les 3 ans, contre 5 ans aujourd’hui.

 

La part des reconversions professionnelles

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C’est le nombre d’actifs en France préparant actuellement une reconversion professionnelle selon le baromètre de la formation et de l’emploi 2022 réalisé par Centre Inffo / CSA. Par ailleurs, ils sont 27 % à avoir déclaré envisager se reconvertir, sur les 1 604 actifs interrogés dans le cadre de cette étude.

Ainsi, près de la moitié des actifs a réalisé, prépare, ou envisage une reconversion professionnelle.

reconversion professionnelle infographie

Des actifs en quête de sens

Pour quelles raisons se reconvertit-on ?

Le baromètre de la formation et de l’emploi 2022 fait ressortir 4 raisons principales à la reconversion professionnelle :

1. Faire un métier plus proche de ses valeurs.

Cette raison est invoquée par 90 % des répondants.

2. Souhaite améliorer son employabilité, sa rémunération.

Cette raison est invoquée par 59 % des répondants, mais par 70 % des salariés du secteur public.

3. Sentiments négatifs à l’égard de son emploi actuel.

Cette raison n’est invoquée que par 39 % des répondants, mais elle atteint 50 % pour les salariés de l’industrie.

4. Pour des raisons d’organisation personnelle.

Raison invoquée par 27 % des répondants.

 

Différents sens pour un travail

Comme en témoigne le baromètre de la formation et de l’emploi, la quête de sens au travail est devenue un enjeu majeur pour beaucoup d’actifs, notamment chez les jeunes. Par ailleurs, d’après une enquête OpinionWay pour Microsoft France, 56 % des actifs estiment que leur travail doit d’abord avoir du sens, avant de leur plaire. Cet avis atteint 62 % chez les 18-25 ans.

Cela étant, la question du sens dans le travail est intéressante à creuser dans la mesure où le sens peut avoir une valeur très subjective.

« Mon travail n’a pas de sens. »

S’il est aisé de réaliser que son travail n’a pas de sens quand nous passons nos journées à rédiger des comptes-rendus de réunions que personne ne lit, il est parfois difficile de cerner ce qui fait défaut dans son activité professionnelle. La sociologue Marie-Anne Dujarier questionne ainsi les différentes composantes du mot « sens ».

  • Le sens comme orientation :

« Je ne me vois pas rester à ce même poste pendant encore 3 ans pour ensuite évoluer vers cette fonction de Responsable de Production. »

À cette notion d’orientation, nous pourrions rattacher la notion de but. Si votre travail ne vous convient pas aujourd’hui, c’est peut-être parce que vous n’arrivez plus à vous y projeter. Vous n’avez peut-être plus les mêmes aspirations, les mêmes envies, que lorsque vous avez commencé cet emploi. Il est alors normal de vouloir en changer.

  • Le sens comme sensation :

« Je ne me sens pas bien dans mon travail. »

Nous parlons ici du ressenti. Les raisons de ne pas se sentir bien dans son cadre professionnel peuvent être nombreuses : le départ simultané de plusieurs collègues avec qui vous vous entendiez bien, une surcharge de travail, des déplacements professionnels de plus en plus longs, une pression importante et que vous ne supportez plus.

  • Le sens comme signification :

« Je ne me reconnais pas dans les valeurs de ce groupe industriel. Moi, ce que je souhaite, c’est travailler avec de jeunes enfants. »

La signification que vous accordez à un travail donné peut évoluer au cours du temps. Elle peut être liée au travail lui-même, mais elle peut tout aussi bien venir de l’évolution de votre état d’esprit.

Interroger le sens que l’on donne à son travail, c’est se questionner sur ces différents aspects : l’orientation, la sensation, la signification. Ce n’est pas parce qu’un de ces aspects vous fait défaut que vous éprouverez forcément la nécessité de changer d’emploi.

Par exemple, des collègues sympathiques et des missions intéressantes peuvent venir contrebalancer des perspectives d’évolutions professionnelles peu réjouissantes. Du moins pour un temps.

De la même manière, comme le décrit David Graber, auteur du roman « Bullshit Jobs », certains peuvent trouver une forme d’épanouissement dans un travail tout à fait superficiel.

Cette notion de sens est donc très personnelle et il est à noter que si le sens d’un travail peut se perdre, il peut aussi se construire. Être acteur de son travail permet de développer les aspects en lien avec ses propres convictions. Cela nécessite cependant d’évoluer dans une structure permettant assez de marge de manœuvre pour développer les prises d’initiatives personnelles.

 

Et si le travail n’était qu’un moyen ?

Les employeurs ont bien conscience du phénomène de la quête de sens et les stratégies de séduction pour attirer des candidats et retenir les salariés jouent allégrement dessus. Mais vouloir absolument trouver du sens au travail, c’est partir de l’hypothèse que le travail occupe une place centrale en tant que vecteur d’épanouissement. Or, ce n’est pas nécessairement le cas.

Le journaliste et essayiste Jonathan Malestic, dans un article remarqué du New York Times, défend l’idée de redonner au travail une place plus juste dans nos vies, en arrêtant de le considérer comme un « pilier de l’épanouissement personnel ». Cette vision est partagée par le sociologue Laurent Sovet, maître de conférence et co-auteur de « Sens de la vie, sens du travail ». Pour lui, chaque individu est défini par ses différentes sphères de vie : familiales, professionnelles, amicales, associatives… Chacune de ces sphères pouvant être une source d’épanouissement, pourquoi alors considérer la quête de sens spécifiquement dans le travail et ne pas lui donner un aspect plus général ?

Entrepreneur et coach en développement personnel, Timothy Ferriss, déclare pour sa part :

« Je pars de l’hypothèse que, pour la plupart des êtres humains, le boulot idéal est celui qui prend le moins de temps. La vaste majorité des individus ne trouveront jamais un travail qui puisse être une source inépuisable de satisfaction. »

Auteur du best seller La semaine de 4 heures, Timothy Ferriss considère que le véritable pouvoir réside dans le temps dont nous disposons pour faire ce qui nous plaît. Le sens dans le travail réside donc pour lui dans l’optimisation du ratio temps libre/revenu. Plutôt que de placer le travail au centre de nos vies, il invite donc plutôt à déterminer ses priorités afin de définir son style de vie. Dans cette optique, le travail n’est considéré que comme un moyen de réaliser ses rêves.

Les jeunes actifs ne veulent pas se contenter d’un travail. Ils veulent avoir un impact et contribuer à une société meilleure et plus proche de leurs valeurs. Dès lors, pour beaucoup, la recherche du sens dans le travail se pose. Cette quête est dynamique et changera au fur et à mesure de nos expériences de vie. Comme nous l’avons vu, de nombreuses raisons peuvent nous pousser à réévaluer le sens que l’on donne à son travail.

Le travail, cependant, ne doit pas être considéré comme seul vecteur d’épanouissement personnel. Ainsi, la quête de sens peut s’exprimer dans bien d’autres sphères que le milieu professionnel.

Quoi qu’il en soit, la reconversion professionnelle est un processus qui prend du temps. Que vous ayez un projet en tête ou non, n’hésitez pas à vous faire accompagner par un expert en reconversion et bien-être au travail.

Renaud Corbin

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