Témoignage de Guillaume. Ancien prof de lettres modernes, il est aujourd’hui secrétaire administratif de la ville de Paris.
Quel est ton parcours avant ta reconversion au sein de l’Éducation nationale ?
Je suis rentré dans l’Éducation nationale sans passer par concours. Je suis rentré en 2012 en tant qu’emploi d’avenir professeur. C’était un sigle qui avait été créé à l’époque qui permettait d’avoir un premier regard sur l’enseignement en alternance. Donc j’ai pu avoir une première expérience de l’enseignement par ce biais pendant 2 ans.
Suite à cette expérience, mon établissement avait tenu à me garder vu que pas mal de projets avaient été montés. Dans l’établissement, je suis resté en tant qu’AED pendant un an à la vie scolaire. Puis j’ai passé le concours, le capes de lettres modernes que j’ai eu en 2016. S’en sont suivis trois ans d’enseignement. Et au bout de ces trois ans, j’ai senti à ce moment-là le besoin de faire autre chose.
Comment as-tu construit cette reconversion ? Où est-ce que tu as été chercher l’information à ce moment-là ? Est-ce que tu as suivi des formations ?
Je pense que ma reconversion s’est véritablement faite en plusieurs temps. Il m’a fallu un temps d’adaptation avant de réaliser que je pouvais faire autre chose. Quand j’ai commencé à réaliser mon projet de reconversion, j’étais en arrêt depuis plusieurs mois déjà. Donc j’avais cessé mes fonctions dans l’enseignement et j’avais du mal à réaliser que je pouvais faire une autre activité en dehors de l’enseignement. Et c’est vraiment arrivé à la rentrée de septembre 2019 que j’ai réalisé que pour la première fois quelque chose se passait sans moi et que tout se passait très bien.
De mon côté je pouvais aussi entamer d’autres projets. Donc à partir de ce moment-là je me suis creusé la tête pour savoir ce que je pouvais bien faire en dehors de l’enseignement armé de mon master de lettres et j’ai commencé à chercher sur internet les différents concours de la fonction publique qui étaient ouverts.
Il faut savoir que la totalité des concours administratifs de la fonction publique est ouverte sans condition spécifique. Et donc en parcourant la liste des différents postes et des différents concours qui étaient accessibles, j’ai été pris d’une pulsion et je me suis dit que quitte à se lancer dans autre chose autant s’ouvrir le plus de portes possibles. Donc je me suis inscrit à la totalité des concours administratifs qui se présentaient à moi. Je ne les ai pas tous passés par la suite parce que j’ai regardé dans un second temps ce qui était véritablement à ma portée ou qui rentrait dans le cadre de mes compétences. Et c’est comme ça que je me suis retrouvé à passer des concours assez divers : le concours de bibliothécaire d’état, des concours de secrétaire administratif, donc des concours administratifs de catégorie B, concours d’attaché, concours d’adjoint…
J’ai pu voir un peu les différentes facettes de la fonction publique administrative. En passant ces concours, j’ai fini par être admis au sein des secrétaires administratifs de la ville de paris et j’y suis rentrée donc cet été.
Finalement, ce processus tu l’as accompli tout seul. Après avoir obtenu ce concours, comment cela s’est-il passé ?
Cela s’est fait naturellement. Suite à l’obtention de ce concours, j’ai pu obtenir un détachement auprès de mon rectorat. Il faut savoir que pour obtenir un détachement par voie de concours externe, le rectorat demande le certificat de réussite au concours et de détachement.
Donc une fois que j’ai pu leur fournir cette pièce, j’ai pu obtenir un détachement d’un an le temps de mon année de stage puisque justement le reclassement dans un autre corps de la fonction publique est de droit, mais ne peut se faire que d’un poste de titulaire vers un autre poste de titulaire et non vers un poste de stagiaire. Ce qui nécessitait un passage par un détachement le temps de réaliser mon année de stage.
Actuellement, quelles sont tes missions dans ton travail ?
Alors je vais décrire les missions qui me sont confiées, mais avant, je voudrais introduire ses missions par une réflexion plus générale. Lorsque j’ai réussi le concours de secrétaire administratif, on m’a demandé de candidater sur les fiches de poste qui m’intéressaient. C’est sur l’intégralité de la ville de paris au niveau de la catégorie B. Pour que je puisse rencontrer les services et me mettre d’accord avec eux. Sur un service qui me conviendrait en raison de mes compétences, pour voir un peu ce dans quoi je voulais travailler et les services qui voulaient bien travailler avec moi aussi. Cette période de juillet à août m’a permis d’enchaîner les entretiens d’embauche ce que je n’avais jamais fait. Avec une nuance qui est la garantie d’avoir un poste à la fin, puisque j’étais titulaire du concours. Mais j’ai pu me rendre compte d’une véritable différence.
Lorsqu’on rentre dans l’Éducation nationale, on a un statut qui est un statut de cadre A de la fonction publique et une profession qui est celle d’enseignant. Il n’y a pas d’autres professions. Ce qui fait qu’on ne peut pas s’imaginer différentes missions au sein de ce statut.
Une fois que j’ai passé le concours de secrétaire administratif, j’ai pu me rendre compte même avant de commencer à exercer, les fonctions que je pouvais exercer. Des dizaines de métiers différents au sein de la ville de Paris. Que le statut permettait même d’évoluer au sein de la ville. Et donc de candidater sur des postes de chargé de communication auprès des conservatoires de la ville de Paris, de la rédaction juridique à l’urbanisme, à l’aménagement, à la culture. Aussi des postes de gestion de prévention d’hygiène et santé auprès de la direction des affaires scolaires. Donc qui consistait à surveiller justement les bonnes conditions d’enseignement pour les enseignants et pour les élèves des établissements de la ville de Paris et faire des rapports au niveau de la pollution sonore, de la pollution, degré d’amiante… des choses qui parleront à nos auditeurs, je pense.
Et donc en épluchant l’ensemble de ces missions qui étaient extrêmement diverses et auxquelles je pouvais prétendre, j’ai fini par être recruté en tant que rédacteur juridique à la ville de Paris au sein de la direction des affaires sociales. Dans une direction qui s’appelle la direction de l’action sociale de l’enfance et de la santé.
Donc qui gère toute la prévention et l’accompagnement social dans la ville. Mes missions sont extrêmement diverses. Je m’occupe de faire la passerelle entre l’autorité judiciaire donc les juges aux affaires familiales et des enfants et les huissiers, avocats qui gèrent vraiment le suivi juridique des enfants, et l’aide sociale à l’enfance qui prend en charge la vie quotidienne et la vie sociale des enfants. J’ai un métier qui a une forte dimension sociale puisque j’accompagne et j’aide les enfants placés à l’aide sociale à l’enfance dans leurs démarches de changement de procédure de reconnaissance de statut pour qu’ils puissent s’épanouir et trouver une véritable place dans la société.
C’est un rôle qui se passe justement par des qualités de rédaction particulièrement où j’ai pu retrouver des compétences que j’avais finalement dans ma formation en lettres puisqu’on y retrouve des qualités rédactionnelles d’expression, d’argumentation. Puisqu’une requête en droit doit être argumentée pour avoir une chance d’aboutir et finalement j’y retrouve beaucoup des compétences qui m’avaient dirigé par automatisme vers l’enseignement dans un premier temps de ma carrière.
Qu’est-ce qu’il te manque peut-être au quotidien par rapport à ton ancien métier ? Est-ce qu’il y a des choses qui te manque ou pas du tout par rapport à ton métier d’enseignant ?
C’est une question à laquelle j’ai beaucoup réfléchi. Peut-être aussi du fait que ma reconversion est encore très récente. Mais aujourd’hui je n’ai pas l’impression qu’il me manque quoi que ce soit dans mon métier et que quoi que ce soit me manque vis-à-vis de l’enseignement. J’ai retrouvé une qualité de l’ambiance au travail quelque chose de beaucoup plus ressourçant de reposant en termes de qualité de vie au travail.
On parlait de pollution sonore tout à l’heure, c’est quelque chose qui parle à tout le monde. Mais le fait de pouvoir s’isoler et être au calme lorsqu’on est au travail, de souffler… Cela passe par des détails : pouvoir aller aux toilettes, quand on a envie de pouvoir s’arrêter, se prendre un café, faire une pause et d’être d’autant plus productif dans ses missions, juste après.
Et finalement j’ai eu l’impression de retrouver une véritable atmosphère de travail saine qui m’avait trop manqué ses trois dernières années. Sans véritablement que je m’en rende compte. La possibilité de pouvoir véritablement couper en sortant du travail lorsque j’avais fini.
Alors évidemment dans le métier social on pense toujours à la journée qui vient de s’écouler, mais il n’y a pas cette fonction qui nous accompagne dans la soirée. La préparation des cours, la correction des copies ni l’appréhension ou l’anticipation de la journée du lendemain.
Là il y a une possibilité de déconnecter et finalement à travers ce cadre de travail, j’ai l’impression d’être beaucoup plus épanoui et d’avoir retrouvé l’envie d’aller travailler le matin quand je me lève.
Qu’est-ce que l’on pourrait te souhaiter pour ton futur ? Est-ce que tu es totalement comblé ?
Les fonctions que j’occupe me comblent parce que j’y trouve du sens parce que je m’épanouis parce que mon service c’est formidable. Il faut dire que j’ai cette chance de pouvoir envisager la suite de ma carrière professionnelle sereinement parce que je reste dans la fonction publique et que si jamais je venais à me lasser des fonctions que j’occupe actuellement ou à avoir envie d’aller vers autre chose j’aurai toujours la possibilité d’occuper un autre poste au sein de la ville de Paris. Ou alors de passer un concours ou une passerelle en interne pour pouvoir changer de statut et exercer encore d’autres missions.
J’ai pu comprendre qu’il y avait une véritable différence entre la profession et les missions qu’on exerçait et le statut qu’on avait. Et de ce fait je me sens beaucoup, moins enfermé dans mon travail que je ne l’étais auparavant. Je me dis que si jamais j’ai envie de faire autre chose j’ai tout à fait la possibilité de faire autre chose dès l’année prochaine. Et du coup bien que mes fonctions actuelles me comblent, je me sens tout à fait serein quant au fait d’envisager la suite, quelles que soient les fonctions que je serais amené à réaliser.
Merci beaucoup pour ton témoignage. Est-ce que tu as un conseil à donner aux enseignants qui sont en train de penser à une future reconversion ?
Je serai peut-être mal aisé de donner des conseils à proprement parler, je voudrais commencer par transmettre tous mes encouragements et leur dire et j’ai cette chance de pouvoir parler d’expérience. Il est possible de faire autre chose. Il est possible de se reconvertir et surtout un autre monde existe en dehors de l’enseignement qui peut être très épanouissant et beaucoup plus sain que ce qu’on vit lorsqu’on est en situation de souffrance au travail. Et la souffrance au travail ne devrait jamais être de l’ordre du tolérable ou du supportable.
Évidemment, je ne parle pas de tous les enseignants qui s’épanouissent dans leur travail et c’est génial pour eux parce que c’est un travail extrêmement riche et très épanouissant. Mais j’ai pu observer qu’il y avait énormément d’enseignants qui pensaient à une reconversion sans oser franchir le pas, qui étaient en souffrance au travail et qui faisait avec faute de mieux en se disant que c’était leur lot quotidien.
Mon premier véritable conseil, c’est de ne pas se résoudre à être malheureux sur son lieu de travail. Ce n’est pas une solution, il y a d’autres choses qui existent, d’autres métiers qui sont possibles. Quelles que soient vos compétences. Il faut savoir commencer par s’autoriser à faire quelque chose.
Après le deuxième conseil qui sera peut-être beaucoup plus pratique. C’est qu’on a cette chance aujourd’hui d’avoir un accès internet et d’avoir un accès à énormément d’informations. Moi je suis passé par les concours de la Fonction publique qui sont extrêmement accessibles. Il suffit de taper concours de la ville de Paris, concours de la Fonction publique et on tombe sur des listes et des bases de données qui permettent d’avoir un aperçu de tout ce qui est possible de faire. Ce n’est pas la seule voie possible, il y a aussi le secteur privé qui pourrait embaucher aussi. Il ne faut pas hésiter à envoyer des candidatures spontanées ou à se renseigner sur ce qu’il est possible de faire en fonction de ses compétences.
Mais quoi qu’il en soit, se renseigner, rechercher ce qu’il est possible de faire en dehors de l’enseignement, c’est déjà commencer son processus de reconversion. C’est déjà réalisé qu’on peut faire autre chose et s’autoriser le fait de penser à faire autre chose.
Donc n’attendez pas déjà ne serait-ce que pour vous renseigner sur les autres métiers.
Merci infiniment, Guillaume, pour ce témoignage qui, je pense, va aider beaucoup de personnes. Merci surtout d’avoir lancé ce premier témoignage parce qu’il y en a d’autres qui suivront sur le podcast Prof & ensuite.
Merci à toi.
Bonjour, est ce qu’en changeant ainsi de catégorie A vers B il y a eu une perte de salaire ? je considère passer le concours de secrétaire médico-social. Merci pour la réponse 🙂
Julie